🧑👈🙏đŸ’Ș Motivation et remotivation : les biais cognitifs et l’approche comportementale.

Rechercher un travail est un vĂ©ritable travail pour les personnes qui sont en recherche mais aussi pour les accompagnants socio-professionnels. Cette fiche pratique a pour intĂ©rĂȘt de mettre en lumiĂšre les mĂ©canismes de motivation et remotiver les bĂ©nĂ©ficiaires de l’accompagnement si besoin par l’étude des biais cognitifs et de l’approche comportementale.

Certifiée par la communauté de l'inclusion le 25/02/2025
🧑👈🙏đŸ’Ș Motivation et remotivation : les biais cognitifs et l’approche comportementale.

Le rapport du CESE (Comité Economique Social et Environnemental) du 10 mai 2016 a conclu que « le chÎmage est un enjeu de santé publique ». Ce rapport met en évidence les effets délétÚres du chÎmage sur la santé des individus et propose des recommandations pour mieux prendre en compte cette dimension dans les politiques publiques.

👓Les biais cognitifs comme angle de vue dans l’accompagnement socio-professionnel.

Le biais cognitif est un raccourci mental qui a pour but de traiter rapidement l’information. Il fait partie du fonctionnement naturel du cerveau mais peut faire faire de fausses conclusions et induire des erreurs dans les prises de dĂ©cision.

Les dĂ©celer dans les Ă©changes avec les personnes que nous accompagnons, c’est pouvoir :
✅ Éviter les erreurs de jugement et les stĂ©rĂ©otypes,
✅ AmĂ©liorer la qualitĂ© des conseils et des orientations,
✅ Lutter contre l’auto-exclusion et redonner confiance aux bĂ©nĂ©ficiaires,
✅ Renforcer l’autonomie et la prise de dĂ©cision des bĂ©nĂ©ficiaires,
✅ Favoriser un accompagnement plus Ă©quitable et inclusif

Exemple d’un biais cognitif d’aprĂšs l’agence France Science Presse : l’association de la beautĂ© et de l’intelligence. Ce qui veut dire que si on trouve une personne belle, on apportera plus de poids Ă  son opinion.

Buster Benson, dans son livre Le "Cognitive Bias Codex" (2016) propose une cartographie des biais cognitifs qui organise plus de 180 biais en 4 grandes catégories basées sur leurs fonctions principales :

  • Trop d'informations
  • Manque de sens
  • Agir vite
  • Besoin de mĂ©morisation

cognitif

Le trop-plein d'informations đŸ€ŻđŸ“š

Le cerveau peut stocker une quantitĂ© limitĂ©e d’informations, il catĂ©gorise et choisit ce qui est le plus crĂ©dible pour lui et ne peut retenir que 7 items (Ă  +/- 2).
Pour ce faire, il se base sur ce qui est récent / répété, décalé / surprenant, porte du changement ou selon des croyances personnelles.

Ce qui est surprenant, c’est qu’au moment de faire des choix, on retient le plus souvent le nĂ©gatif, c’est le biais de nĂ©gativitĂ© mais aussi on va valider des informations qui vont venir valider nos croyances personnelles, c’est le biais de confirmation.

Par exemple pour le biais de négativité :
Une personne qui rencontre plusieurs difficultĂ©s peut focaliser sur ses problĂšmes et se dire qu’elle ne pourra jamais trouver d’emploi.
Un parent isolé sans mode de garde pourrait penser :
💭"De toute façon, je ne pourrai jamais travailler, car personne ne garde mon enfant."
👉 RĂ©sultat : il ne cherche mĂȘme plus activement de solution, se dĂ©courage et s’auto-exclut du marchĂ© du travail.

Par exemple pour le biais de confirmation :
Un demandeur d’emploi en difficultĂ© peut ĂȘtre convaincu que ses freins sociaux sont insurmontables.
Le biais de confirmation le pousse Ă  :
đŸš« Ne retenir que les expĂ©riences nĂ©gatives passĂ©es :
💭 "J’ai dĂ©jĂ  essayĂ© de trouver un mode de garde, c’était impossible, donc ce n’est mĂȘme pas la peine de rĂ©essayer."
💭 "J’ai postulĂ© Ă  plusieurs emplois et je n’ai eu aucune rĂ©ponse, donc personne ne veut embaucher quelqu’un dans ma situation."
đŸš« Ignorer les alternatives et les solutions existantes :
💭 "Les aides Ă  la mobilitĂ© ne sont pas pour moi, elles sont compliquĂ©es Ă  obtenir."
💭 "Les formations, c’est bien, mais ça ne mĂšne Ă  rien. J’en connais qui n’ont jamais trouvĂ© de travail aprĂšs."
đŸš« Se concentrer sur ce qui le dĂ©savantage plutĂŽt que sur ses ressources :
💭 "Je suis trop ĂągĂ© / trop jeune / sans diplĂŽme / en situation de handicap, donc je n’ai aucune chance."
👉 ConsĂ©quences : La personne se ferme aux opportunitĂ©s, ce qui maintient ses freins sociaux et renforce son isolement.


Le manque de sens đŸ§©đŸ€”

Le cerveau va traiter l’information dans le but de rĂ©duire l’incertitude et donner du sens, mĂȘme s’il n’a pas l’intĂ©gralitĂ© des informations nĂ©cessaires.
Il va donc combler les trous avec des stéréotypes et des préjugés mais aussi avec des croyances de groupe auquel nous appartenons.

C’est le biais intergroupe. Il renforce l’auto-exclusion, alimente un sentiment d’injustice et de rejet et limite la motivation.

Par exemple : Une femme qui veut se reconvertir dans un mĂ©tier dans le BTP, mais elle intĂ©riorise des stĂ©rĂ©otypes de genre qui l’empĂȘchent d’avancer :
💭 "Le bĂątiment, c’est un mĂ©tier d’homme, je ne serai pas prise au sĂ©rieux."
💭 "Les recruteurs prĂ©fĂ©reront toujours un homme pour ces postes."
💭 "Je vais ĂȘtre mal vue sur les chantiers, ça va ĂȘtre compliquĂ©."
👉 Ses freins sociaux sont :
- Le manque de confiance en sa légitimité,
- La peur du regard des autres,
- L’anticipation d’une discrimination, ce qui l’empĂȘche mĂȘme d’essayer.


Le besoin d’agir vite 🧠⏳

Le but de notre cerveau est de dĂ©penser le moins d’énergie possible Ă  rĂ©flĂ©chir et conserver cette Ă©nergie pour anticiper la charge mentale et les besoins futurs.

En agissant vite, on a deux possibilités automatiques et mécaniques.
On peut prĂ©fĂ©rer conserver l’état actuel des choses ou opter pour des choix qui minimisent le changement.
C’est le biais de statut quo
On peut sinon Ă  l’inverse se croire spĂ©cialiste parce qu’on a vu quelques vidĂ©os en ligne sur Youtube ou qu’on a lu un livre sur le sujet.
C’est le biais de l’illusion des connaissances qui donne l’impression de maitriser totalement le sujet.

Par exemple : pour le biais de statut quo.
Une personne bĂ©nĂ©ficiaire du RSA qui refuse toutes les propositions qui lui sont faites en termes d’emploi, de formation ou d’accompagnement pour gĂ©rer son budget par crainte de l’inconnu. Les arguments qui peuvent ĂȘtre amenĂ©s par la personne :
💭 "Je prĂ©fĂšre rester comme ça, au moins je sais Ă  quoi m’attendre."
💭 "Si je prends un travail, je vais peut-ĂȘtre perdre mes aides, et je ne sais pas si je vais m’en sortir."
💭 "Je suis habituĂ©e Ă  mon quotidien, je ne me vois pas tout changer maintenant."

Par exemple pour le biais d’illusion de connaissances.
Une personne qui a travaillĂ© 20 ans dans la mĂȘme structure et qui refuse de suivre un accompagnement ou une formation pour retrouver du travail car il pense que c’est inutile. Les arguments que peuvent amener les personnes dans ce cas :
💭 "Les formations ? C’est inutile, je sais dĂ©jĂ  comment faire mon mĂ©tier."
💭 "Internet et les CV en ligne ? Ça ne sert à rien, avant on trouvait du travail autrement et ça marchait bien."
💭 "Les entretiens, c’est toujours pareil, je sais comment ça fonctionne."


Le besoin de mĂ©moriser đŸ“šđŸ’Ÿ

Il s’agit lĂ  d’écarter des situations particuliĂšres au profit de gĂ©nĂ©ralisation. Afin de se souvenir, d’aller plus vite dans l’action, le cerveau va mĂ©moriser les effets qui se reproduisent le plus pour les adapter aux nouvelles situations.
On tire des conclusions gĂ©nĂ©rales Ă  partir d’un nombre limitĂ© d’expĂ©riences ou d’informations.

Par exemple :
Une personne qui est bĂ©nĂ©ficiaire des aides sociales depuis plusieurs annĂ©es. Elle rencontre des difficultĂ©s financiĂšres et a du mal Ă  se projeter vers une autonomie durable. Ses arguments qui justifient un refus d’aide pourraient ĂȘtre :
💭 "J’ai dĂ©jĂ  essayĂ© de demander des aides pour la garde d’enfants, mais c’est toujours compliquĂ©. Donc toutes les dĂ©marches administratives sont une perte de temps."
💭 "La derniĂšre fois qu’on m’a proposĂ© un logement social, on m’a refusĂ©e. Donc je ne vais pas retenter, c’est inutile."
💭 "J’ai dĂ©jĂ  eu un rendez-vous avec une assistante sociale par le passĂ© et ça ne m’a servi Ă  rien. Donc ce sera pareil cette fois."

📱Lorsqu’on accompagne un bĂ©nĂ©ficiaire, identifier ces biais permet de mieux comprendre comment sa perception de sa situation est influencĂ©e et potentiellement dĂ©formĂ©e.

L’approche comportementale et les biais cognitifs : une histoire trĂšs liĂ©e đŸ€đŸ”—

L’approche comportementale et les biais cognitifs sont Ă©troitement liĂ©s car nos biais influencent nos comportements, et nos comportements peuvent renforcer nos biais.

✅ Les biais cognitifs façonnent nos dĂ©cisions et nos actions, parfois de maniĂšre irrationnelle.
✅ L’approche comportementale permet de modifier ces comportements, en proposant des stratĂ©gies pour les dĂ©passer et adopter des rĂ©ponses plus adaptĂ©es.

💡 En d’autres termes, nos biais influencent nos habitudes et rĂ©actions, et l’approche comportementale aide Ă  les dĂ©construire pour favoriser des comportements plus rationnels et efficaces.

2 leviers peuvent renforcer l’alliance de travail entre le professionnel de l’accompagnement et le bĂ©nĂ©ficiaire : La norme sociale et La porte au nez

La norme sociale đŸ›€ïžđŸ‘Ł

Les normes sociales sont des rÚgles implicites ou explicites qui influencent nos comportements en société.
Elles définissent ce qui est considéré comme acceptable ou attendu dans un groupe ou une culture donnée.

Dans l’approche comportementale, les normes sociales jouent un rĂŽle clĂ© dans l’apprentissage des comportements, car nous avons tendance Ă  imiter ou Ă  nous conformer aux comportements majoritaires, mĂȘme inconsciemment.

C’est une variable sur laquelle l’accompagnant peut jouer pour faire adhĂ©rer la personne et la remotiver.

Par exemple en s’appuyant sur des chiffres « 80% des personnes qui ont utilisĂ© ce service ont eu des rĂ©sultats positifs ! » ou en utilisant un exemple probant « Je vais vous parler de Xxx, il a fait une formation courte et il a retrouvĂ© un travail »

Renforcer les petits succùs, avancer pas par pas permet aussi de renforcer l’alliance de travail avec la personne et de l’amener vers son autonomisation.
Par exemple : « Vous avez contactĂ© 3 entreprises depuis notre derniĂšre rencontre pour leur proposer un stage, c’est un pas Ă©norme ! »

đŸ› ïžâš™ïž Pourquoi ça fonctionne ? Les normes sociales influencent fortement les comportements en matiĂšre d’emploi et d’insertion.
✅ L’approche comportementale permet d’agir sur ces normes en proposant des modùles alternatifs et en renforçant les petits succùs.
✅ Changer la perception de la norme sociale encourage la personne à passer à l’action et à adopter une posture proactive.


La porte au nez

Ce concept a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par Beauvois et Joule dans leur livre "Petit traitĂ© de manipulation Ă  l’usage des honnĂȘtes gens", publiĂ© en 2002.

Cette stratégie est basée sur le principe de réciprocité :

1ïžâƒŁ Une premiĂšre demande excessive et disproportionnĂ©e est formulĂ©e, sachant qu’elle sera refusĂ©e.
2ïžâƒŁ Une seconde demande, plus raisonnable, suit immĂ©diatement et a plus de chances d’ĂȘtre acceptĂ©e, car la personne a l’impression que l’autre a fait une concession.

Cette technique permet de renforcer l’engagement avec la personne, d’amorcer le mouvement et ainsi de faire renaitre de la motivation à agir.

Par exemple : une personne qui a des soucis de santĂ© et qui n’est pas prise en charge ni accompagnĂ©e.
Le professionnel qui l’accompagne va d’abord lui proposer une prise de rendez-vous immĂ©diate avec un spĂ©cialiste et ĂȘtre pris en charge sur la durĂ©e. (1ïžâƒŁ)
Face au refus de la personne, la seconde solution sera alors de lui proposer un RDV avec un mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste pour faire un bilan de santĂ© « pour faire le point » (2ïžâƒŁ).

đŸ› ïžâš™ïž Pourquoi ça fonctionne ?
✅Principe de rĂ©ciprocitĂ© : le bĂ©nĂ©ficiaire a l’impression que le professionnel de l’accompagnement a fait un effort en rĂ©duisant sa demande, donc il se sent plus enclin Ă  faire un effort en retour.
✅RĂ©duction de la rĂ©sistance : la premiĂšre proposition qui semblait trop contraignante, ouvre la voie Ă  une seconde plus acceptable.
✅Mise en action progressive : une fois la personne engagĂ© dans une premiĂšre dĂ©marche, il est plus probable qu’elle accepte une Ă©tape supplĂ©mentaire plus Ă©levĂ©e.

En conclusion, 💡 Comprendre les biais cognitifs et utiliser l’approche comportementale permet de mieux identifier les freins et d’adopter des stratĂ©gies efficaces pour remotiver les bĂ©nĂ©ficiaires.


Pour aller plus loin :
👉 Psychologie cognitive et biais cognitifs
- Daniel Kahneman (2011) – "Thinking, Fast and Slow" (Systùme 1 / Systùme 2)
- Jean-LĂ©on Beauvois & Robert-Vincent Joule (2002) – "Petit traitĂ© de manipulation Ă  l’usage des honnĂȘtes gens"
- Jean-François Amadieu (2002) – "Le poids des apparences. BeautĂ©, amour et gloire"
👉 Approche comportementale et psychologie appliquĂ©e
- Richard Thaler & Cass Sunstein (2008) – "Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness"
- Robert Cialdini (1984) – "Influence: The Psychology of Persuasion"
- Albert Bandura (1986) – "Social Foundations of Thought and Action"
👉 Sites internet et plateformes
- Cairn.info
- Danstescordes.fr
- NudgeFrance.org


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