Le rapport du CESE (Comité Economique Social et Environnemental) du 10 mai 2016 a conclu que « le chÎmage est un enjeu de santé publique ». Ce rapport met en évidence les effets délétÚres du chÎmage sur la santé des individus et propose des recommandations pour mieux prendre en compte cette dimension dans les politiques publiques.
đLes biais cognitifs comme angle de vue dans lâaccompagnement socio-professionnel.
Le biais cognitif est un raccourci mental qui a pour but de traiter rapidement lâinformation. Il fait partie du fonctionnement naturel du cerveau mais peut faire faire de fausses conclusions et induire des erreurs dans les prises de dĂ©cision.
Les dĂ©celer dans les Ă©changes avec les personnes que nous accompagnons, câest pouvoir :
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Ăviter les erreurs de jugement et les stĂ©rĂ©otypes,
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Améliorer la qualité des conseils et des orientations,
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Lutter contre lâauto-exclusion et redonner confiance aux bĂ©nĂ©ficiaires,
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Renforcer lâautonomie et la prise de dĂ©cision des bĂ©nĂ©ficiaires,
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Favoriser un accompagnement plus Ă©quitable et inclusif
Exemple dâun biais cognitif dâaprĂšs lâagence France Science Presse : lâassociation de la beautĂ© et de lâintelligence. Ce qui veut dire que si on trouve une personne belle, on apportera plus de poids Ă son opinion.
Buster Benson, dans son livre Le "Cognitive Bias Codex" (2016) propose une cartographie des biais cognitifs qui organise plus de 180 biais en 4 grandes catégories basées sur leurs fonctions principales :
- Trop d'informations
- Manque de sens
- Agir vite
- Besoin de mémorisation
Le trop-plein d'informations đ€Żđ
Le cerveau peut stocker une quantitĂ© limitĂ©e dâinformations, il catĂ©gorise et choisit ce qui est le plus crĂ©dible pour lui et ne peut retenir que 7 items (Ă +/- 2).
Pour ce faire, il se base sur ce qui est récent / répété, décalé / surprenant, porte du changement ou selon des croyances personnelles.
Ce qui est surprenant, câest quâau moment de faire des choix, on retient le plus souvent le nĂ©gatif, câest le biais de nĂ©gativitĂ© mais aussi on va valider des informations qui vont venir valider nos croyances personnelles, câest le biais de confirmation.
Par exemple pour le biais de négativité :
Une personne qui rencontre plusieurs difficultĂ©s peut focaliser sur ses problĂšmes et se dire quâelle ne pourra jamais trouver dâemploi.
Un parent isolé sans mode de garde pourrait penser :
đ"De toute façon, je ne pourrai jamais travailler, car personne ne garde mon enfant."
đ RĂ©sultat : il ne cherche mĂȘme plus activement de solution, se dĂ©courage et sâauto-exclut du marchĂ© du travail.
Par exemple pour le biais de confirmation :
Un demandeur dâemploi en difficultĂ© peut ĂȘtre convaincu que ses freins sociaux sont insurmontables.
Le biais de confirmation le pousse Ă :
đ« Ne retenir que les expĂ©riences nĂ©gatives passĂ©es :
đ "Jâai dĂ©jĂ essayĂ© de trouver un mode de garde, câĂ©tait impossible, donc ce nâest mĂȘme pas la peine de rĂ©essayer."
đ "Jâai postulĂ© Ă plusieurs emplois et je nâai eu aucune rĂ©ponse, donc personne ne veut embaucher quelquâun dans ma situation."
đ« Ignorer les alternatives et les solutions existantes :
đ "Les aides Ă la mobilitĂ© ne sont pas pour moi, elles sont compliquĂ©es Ă obtenir."
đ "Les formations, câest bien, mais ça ne mĂšne Ă rien. Jâen connais qui nâont jamais trouvĂ© de travail aprĂšs."
đ« Se concentrer sur ce qui le dĂ©savantage plutĂŽt que sur ses ressources :
đ "Je suis trop ĂągĂ© / trop jeune / sans diplĂŽme / en situation de handicap, donc je nâai aucune chance."
đ ConsĂ©quences : La personne se ferme aux opportunitĂ©s, ce qui maintient ses freins sociaux et renforce son isolement.
Le manque de sens đ§©đ€
Le cerveau va traiter lâinformation dans le but de rĂ©duire lâincertitude et donner du sens, mĂȘme sâil nâa pas lâintĂ©gralitĂ© des informations nĂ©cessaires.
Il va donc combler les trous avec des stéréotypes et des préjugés mais aussi avec des croyances de groupe auquel nous appartenons.
Câest le biais intergroupe. Il renforce lâauto-exclusion, alimente un sentiment dâinjustice et de rejet et limite la motivation.
Par exemple : Une femme qui veut se reconvertir dans un mĂ©tier dans le BTP, mais elle intĂ©riorise des stĂ©rĂ©otypes de genre qui lâempĂȘchent dâavancer :
đ "Le bĂątiment, câest un mĂ©tier dâhomme, je ne serai pas prise au sĂ©rieux."
đ "Les recruteurs prĂ©fĂ©reront toujours un homme pour ces postes."
đ "Je vais ĂȘtre mal vue sur les chantiers, ça va ĂȘtre compliquĂ©."
đ Ses freins sociaux sont :
- Le manque de confiance en sa légitimité,
- La peur du regard des autres,
- Lâanticipation dâune discrimination, ce qui lâempĂȘche mĂȘme dâessayer.
Le besoin dâagir vite đ§ âł
Le but de notre cerveau est de dĂ©penser le moins dâĂ©nergie possible Ă rĂ©flĂ©chir et conserver cette Ă©nergie pour anticiper la charge mentale et les besoins futurs.
En agissant vite, on a deux possibilités automatiques et mécaniques.
On peut prĂ©fĂ©rer conserver lâĂ©tat actuel des choses ou opter pour des choix qui minimisent le changement.
Câest le biais de statut quo
On peut sinon Ă lâinverse se croire spĂ©cialiste parce quâon a vu quelques vidĂ©os en ligne sur Youtube ou quâon a lu un livre sur le sujet.
Câest le biais de lâillusion des connaissances qui donne lâimpression de maitriser totalement le sujet.
Par exemple : pour le biais de statut quo.
Une personne bĂ©nĂ©ficiaire du RSA qui refuse toutes les propositions qui lui sont faites en termes dâemploi, de formation ou dâaccompagnement pour gĂ©rer son budget par crainte de lâinconnu. Les arguments qui peuvent ĂȘtre amenĂ©s par la personne :
đ "Je prĂ©fĂšre rester comme ça, au moins je sais Ă quoi mâattendre."
đ "Si je prends un travail, je vais peut-ĂȘtre perdre mes aides, et je ne sais pas si je vais mâen sortir."
đ "Je suis habituĂ©e Ă mon quotidien, je ne me vois pas tout changer maintenant."
Par exemple pour le biais dâillusion de connaissances.
Une personne qui a travaillĂ© 20 ans dans la mĂȘme structure et qui refuse de suivre un accompagnement ou une formation pour retrouver du travail car il pense que câest inutile. Les arguments que peuvent amener les personnes dans ce cas :
đ "Les formations ? Câest inutile, je sais dĂ©jĂ comment faire mon mĂ©tier."
đ "Internet et les CV en ligne ? Ăa ne sert Ă rien, avant on trouvait du travail autrement et ça marchait bien."
đ "Les entretiens, câest toujours pareil, je sais comment ça fonctionne."
Le besoin de mĂ©moriser đđŸ
Il sâagit lĂ dâĂ©carter des situations particuliĂšres au profit de gĂ©nĂ©ralisation. Afin de se souvenir, dâaller plus vite dans lâaction, le cerveau va mĂ©moriser les effets qui se reproduisent le plus pour les adapter aux nouvelles situations.
On tire des conclusions gĂ©nĂ©rales Ă partir dâun nombre limitĂ© dâexpĂ©riences ou dâinformations.
Par exemple :
Une personne qui est bĂ©nĂ©ficiaire des aides sociales depuis plusieurs annĂ©es. Elle rencontre des difficultĂ©s financiĂšres et a du mal Ă se projeter vers une autonomie durable. Ses arguments qui justifient un refus dâaide pourraient ĂȘtre :
đ "Jâai dĂ©jĂ essayĂ© de demander des aides pour la garde dâenfants, mais câest toujours compliquĂ©. Donc toutes les dĂ©marches administratives sont une perte de temps."
đ "La derniĂšre fois quâon mâa proposĂ© un logement social, on mâa refusĂ©e. Donc je ne vais pas retenter, câest inutile."
đ "Jâai dĂ©jĂ eu un rendez-vous avec une assistante sociale par le passĂ© et ça ne mâa servi Ă rien. Donc ce sera pareil cette fois."
đąLorsquâon accompagne un bĂ©nĂ©ficiaire, identifier ces biais permet de mieux comprendre comment sa perception de sa situation est influencĂ©e et potentiellement dĂ©formĂ©e.
Lâapproche comportementale et les biais cognitifs : une histoire trĂšs liĂ©e đ€đ
Lâapproche comportementale et les biais cognitifs sont Ă©troitement liĂ©s car nos biais influencent nos comportements, et nos comportements peuvent renforcer nos biais.
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Les biais cognitifs façonnent nos décisions et nos actions, parfois de maniÚre irrationnelle.
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Lâapproche comportementale permet de modifier ces comportements, en proposant des stratĂ©gies pour les dĂ©passer et adopter des rĂ©ponses plus adaptĂ©es.
đĄ En dâautres termes, nos biais influencent nos habitudes et rĂ©actions, et lâapproche comportementale aide Ă les dĂ©construire pour favoriser des comportements plus rationnels et efficaces.
2 leviers peuvent renforcer lâalliance de travail entre le professionnel de lâaccompagnement et le bĂ©nĂ©ficiaire : La norme sociale et La porte au nez
La norme sociale đ€ïžđŁ
Les normes sociales sont des rÚgles implicites ou explicites qui influencent nos comportements en société.
Elles définissent ce qui est considéré comme acceptable ou attendu dans un groupe ou une culture donnée.
Dans lâapproche comportementale, les normes sociales jouent un rĂŽle clĂ© dans lâapprentissage des comportements, car nous avons tendance Ă imiter ou Ă nous conformer aux comportements majoritaires, mĂȘme inconsciemment.
Câest une variable sur laquelle lâaccompagnant peut jouer pour faire adhĂ©rer la personne et la remotiver.
Par exemple en sâappuyant sur des chiffres « 80% des personnes qui ont utilisĂ© ce service ont eu des rĂ©sultats positifs ! » ou en utilisant un exemple probant « Je vais vous parler de Xxx, il a fait une formation courte et il a retrouvĂ© un travail »
Renforcer les petits succĂšs, avancer pas par pas permet aussi de renforcer lâalliance de travail avec la personne et de lâamener vers son autonomisation.
Par exemple : « Vous avez contactĂ© 3 entreprises depuis notre derniĂšre rencontre pour leur proposer un stage, câest un pas Ă©norme ! »
đ ïžâïž Pourquoi ça fonctionne ? Les normes sociales influencent fortement les comportements en matiĂšre dâemploi et dâinsertion.
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Lâapproche comportementale permet dâagir sur ces normes en proposant des modĂšles alternatifs et en renforçant les petits succĂšs.
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Changer la perception de la norme sociale encourage la personne Ă passer Ă lâaction et Ă adopter une posture proactive.
La porte au nez
Ce concept a Ă©tĂ© dĂ©veloppĂ© par Beauvois et Joule dans leur livre "Petit traitĂ© de manipulation Ă lâusage des honnĂȘtes gens", publiĂ© en 2002.
Cette stratégie est basée sur le principe de réciprocité :
1ïžâŁ Une premiĂšre demande excessive et disproportionnĂ©e est formulĂ©e, sachant quâelle sera refusĂ©e.
2ïžâŁ Une seconde demande, plus raisonnable, suit immĂ©diatement et a plus de chances dâĂȘtre acceptĂ©e, car la personne a lâimpression que lâautre a fait une concession.
Cette technique permet de renforcer lâengagement avec la personne, dâamorcer le mouvement et ainsi de faire renaitre de la motivation Ă agir.
Par exemple : une personne qui a des soucis de santĂ© et qui nâest pas prise en charge ni accompagnĂ©e.
Le professionnel qui lâaccompagne va dâabord lui proposer une prise de rendez-vous immĂ©diate avec un spĂ©cialiste et ĂȘtre pris en charge sur la durĂ©e. (1ïžâŁ)
Face au refus de la personne, la seconde solution sera alors de lui proposer un RDV avec un mĂ©decin gĂ©nĂ©raliste pour faire un bilan de santĂ© « pour faire le point » (2ïžâŁ).
đ ïžâïž Pourquoi ça fonctionne ?
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Principe de rĂ©ciprocitĂ© : le bĂ©nĂ©ficiaire a lâimpression que le professionnel de lâaccompagnement a fait un effort en rĂ©duisant sa demande, donc il se sent plus enclin Ă faire un effort en retour.
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Réduction de la résistance : la premiÚre proposition qui semblait trop contraignante, ouvre la voie à une seconde plus acceptable.
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Mise en action progressive : une fois la personne engagĂ© dans une premiĂšre dĂ©marche, il est plus probable quâelle accepte une Ă©tape supplĂ©mentaire plus Ă©levĂ©e.
En conclusion, đĄ Comprendre les biais cognitifs et utiliser lâapproche comportementale permet de mieux identifier les freins et dâadopter des stratĂ©gies efficaces pour remotiver les bĂ©nĂ©ficiaires.
Pour aller plus loin :
đ Psychologie cognitive et biais cognitifs
- Daniel Kahneman (2011) â "Thinking, Fast and Slow" (SystĂšme 1 / SystĂšme 2)
- Jean-LĂ©on Beauvois & Robert-Vincent Joule (2002) â "Petit traitĂ© de manipulation Ă lâusage des honnĂȘtes gens"
- Jean-François Amadieu (2002) â "Le poids des apparences. BeautĂ©, amour et gloire"
đ Approche comportementale et psychologie appliquĂ©e
- Richard Thaler & Cass Sunstein (2008) â "Nudge: Improving Decisions About Health, Wealth, and Happiness"
- Robert Cialdini (1984) â "Influence: The Psychology of Persuasion"
- Albert Bandura (1986) â "Social Foundations of Thought and Action"
đ Sites internet et plateformes
- Cairn.info
- Danstescordes.fr
- NudgeFrance.org